Giacomo
Downie, RSA Il Gignoro, CSD- Diaconia Valdese Fiorentina
contribution
au séminaire international
«Participation
du sujet dans l’action médico-sociale»
Strasbourg
17 mai 2017
Parcours
de soins AVEC des malades d’Alzheimer, l’expérience de Moduloblù
Je
suis heureux de participer à ce séminaire, je remercie SSF et mon ami Bruno
pour l'occasion.
Je
considère le sujet de cette année comme un fondement de mon travail : un
professionnel en MusicArTerapia, c’est à dire « musique et art-thérapie ».
Tous
les jours, je suis en relation avec des gens qui n'expriment pas leurs besoins,
souhaits et désirs avec les mots. Je pense à la personne connue comme
«démente». Celui qui, à la suite d'une maladie neuro-dégénérative ou d'autres
événements, a subi des pertes importantes dans ses capacités cognitives, en
particulier en ce qui concerne le langage verbal. Comment éviter de remplacer
leurs attentes avec les nôtres?
Je
suis ici pour vous parler de l'expérience d'un service, dont je suis
actuellement coordinateur, qui fait partie de la Diaconia Valdese Fiorentina.
Un musicien, coordinateur d'un service socio-sanitaire? Situation étrange, mais
j'espère réussir à montrer qu'elle a directement à voir avec ce dont nous
parlons.
Le
Diaconia Valdese à travers la Commission Synodale pour la Diaconia gère
plusieurs œuvres et services
socio-sanitaires dans plusieurs régions d'Italie. Le terme diaconia dérive du
grec «diaconeo», «servir», et pour
l'Eglise Vaudoise cela représente le service rendu à ceux qui en ont besoin.
A
Florence, on y trouve :
· des accueils
de jour et des foyers pour mineurs en difficultés et à risque de
marginalisation;
· une
résidence sociale comme une alternative à la prison;
· des chambres
d'hôtes;
· des projets
pour l'accueil de migrants, des demandeurs d'asile et réfugiés;
· un centre
qui propose des services pour les personnes âgées, dont une résidence, la
maison de retraite « Il Gignoro ».
La
Diaconia Valdese est ouverte à toutes et à tous, sans discrimination de sexe,
d'appartenance ou de culture. Elle est laïque et exploite ses propres services
guidée par des principes de transparence, qualité et efficacité des
interventions, sans aucune contrainte confessionnelle. La Diaconia Valdese
tient à souligner qu'elle a choisi de “servir avec les personnes. Cela dans une
modalité de réciprocité, abandonnant la logique d'une relation qui part de ceux
qui donnent de l'aide et atteint qui la reçoit, mais tout cela dans un esprit
de collaboration pour atteindre un objectif commun.
Personnellement,
je n'ai pas choisi de travailler pour cet organisme pour des raisons de
croyances religieuses, mais plutôt par affinité de pensée.
La
maison de retraite « Il Gignoro » porte
attention
à l'implication du sujet. C’est ce qui est également exigé par l’entité
publique (Regione Toscana) auprès de laquelle nous sommes accrédités: «Le
parcours de soin est partagé avec le patient et /ou des membres de la famille.»
Le système qualité prévoit des procédures pour :
· discuter le
Plan d’Assistance Individualisé(PAI) avec le résident et /ou la famille;
· mener des
enquêtes de satisfaction des utilisateurs régulières.
Le
petit service que je coordonne s'appelle Moduloblu, il accueille 12 personnes
souffrant d’une déficience cognitive grave.
Aucune
d'entre elles a volontairement choisi de venir à nous. En 2016 seulement deux
d’elles ont été en mesure de répondre (en partie) à l'enquête sur la
satisfaction des utilisateurs.
Une
fois qu’est diagnostiqué la maladie d'Alzheimer, aucune règle ou loi ne
garantit le respect de la volonté de l’individu. Un tuteur, la famille ou
d'autres décident pour lui.
Aucune
d'entre elles n’est arrivée chez nous en nous parlant des ses propres attentes.
Au contraire, en général, les volontés
exprimées apparaissent incompatibles avec leur condition.
-
«quand est-ce que on rentre chez nous ?»
-
«Je veux aller chez maman ... »
- etc.
Elles
se sont trouvées dans un état où aucun contexte social ne pouvait accueillir
leurs comportements qui apparaissaient sans raison, souvent dangereux pour eux
et insupportables pour qui reste à leurs côtés.
Désorientation, agressivité, fuite, opposition au soin,
actions non adaptées socialement, cracher, blasphémer, stéréotypes vocaux ou
gestuels, avances sexuelles...
Étant
donné que l'attente est de voir la personne calme, qui ne frappe pas, ne crie
pas, ne court pas, ce sont les caractéristiques qui ouvrent la voie à la
sédation ou à la contention en favorisant une tendance à l'anéantissement de la
personnalité qui est tout l’opposé de l'implication de la personne dans la prise
en charge, c’est au contraire plutôt contre elle.
La
personne, avec ses questions impossibles ou ses comportements étranges, est
peut-être en train d'essayer de nous demander quelque chose.
Qu'est-ce
que veut dire « je veux aller à la maison ? ». Se déplacer dans un
endroit laissé peu de temps avant ou retrouver des éléments comme des formes,
des sons, des présences, des contacts, des meubles,
des rythmes, des odeurs, des goûts qui, à différentes époques de la vie,
ont laissé traces profondes ?
Le
risque de ne pas être « écoutés » est très fort.
En
remplaçant le mot « contention » « compréhension », qui
signifie « prendre la personne avec soi », dans ces 12 ans de service
résidentiel nous avons tenté de réaliser les conditions pour la reporter dans
une relation positive avec le milieu, l'habitat, le fond, le contexte physique
et humain, en valorisant ses préférences individuelles.
Aux
Plans d'Assistances Individualisés nous avons appliqué la méthode du
« Projet Personne », une programmation individualisée finalisée au
développement de potentialités de la personne dont la condition de malade et un
environnement peu propice ont bloqué.
Des
mesures et des propositions sont continuité et développement de tout ce
qu'exprime la personne, pas d'un programme prédéfini.
Cela
nécessite la connaissance de la personne :
· prendre des
informations sur son histoire par la famille et les amis ;
· découvrir
ses goûts personnels et ses inclinations ;
· observer son
comportement en apprenant à lire besoins, attentes et désirs.
Ce
dernier passage demande une attention spéciale. C’est ici que se joue notre
intervention. Cela veut dire accueillir les comportements et les « traces
expressives » dénués de sens d'un malade Alzheimer et leur donner un sens.
Cela veut dire attribuer une signification aux éléments symboliques, conscients
du risque d’erreur car il n'existe pas de dictionnaires pour décoder ce type de
signes. Je ne vois pas d’autre chemin.
Qu'est-ce
que la personne est en train de nous raconter, en demandant, en désirant, en évitant,
en cherchant ?
Ceci
implique la capacité de faciliter l'expression et de saisir tout ce qui est
exprimé à travers tous les langages.
Nous
avons pris comme référence la «Globalité des Langages», GdL, une discipline
formative dans la communication et l'expression avec comme but de recherche
l’éducation, l’animation, la réhabilitation, la thérapie. Le champ, l'objet spécifique de la discipline est, précisément, la
communication et l'expression des et entre les êtres humains. 'Avec tous les
langages' ou ‘la globalité des langages' signifie avant tout ouverture et
disponibilité à toutes les possibilités communicatives et expressives, verbales
ou non verbales, sans exclusions préalables. Cela signifie alors un intérêt
positif, l'étude, l'utilisation et la pratique de nombreux moyens, des langues,
des outils, en commençant par les plus élémentaires, les plus communs et
efficaces pour la communication humaine et en particulier le langage du corps.(S.
Guerra Lisi)
Le
GdL part du principe que le corps est « matrice de signes », l'être
humain se manifeste à travers un corps sensible qui se connecte avec
l'environnant en termes de forme, place, intensité et temps et qu’il ne peut
pas renoncer à communiquer.
· Le visage, les
expressions faciales,
· Est-ce que
le regard est centré ? Est-ce qu'il est perdu ? Ou est-ce qu'il explore?
· L'écoute
est-elle en accord avec l’attention ? Est-ce qu’elle est fermée ?
· Les mains :
quelle partie offrent-elles ? Saisissent-elles ? Caressent-elles ?
Explorent-elles ? Testent-elles et discriminent-elles ?
· La posture
: ouverture ou fermeture, parties
contractées ou bloquées, tonicité ou décontraction.
· Comme se
déplace-t-il dans l'espace en termes d'intensité, d’amplitude de mouvements, de
direction des déplacements. Pensons à la « wandering ».
· Relation
avec l'environnement physique : explorer, toucher, regarder, se diriger vers,
reconnaître.
· Relations
avec les autres : il fuit le contact ou est-ce qu'il le cherche, il appelle ou
il repousse les autres, il ferme juste le monde, est-il agressif ?
· Est-ce qu'il produit sons? Comme il
utilise la voix, il fait du bruit avec les mains, les pieds.
· Comment
assimile-t-il la nourriture : refuse-t-il, engloutit-il, dévore-t-il,
savoure-t-il ?
· Quel rapport
entretient-il à la matière, aux couleurs, aux formes ?
· Présente-t-il
des stéréotypes ?
· Où et
comment cherche-il le plaisir ? Quelle musique, quel goût, quelle activité ?
Certaines
expressions sont relatives aux aspects individuels, d'autres à des éléments
culturels (apprentissage), certaines sont liées à des mémoires relatifs à des
expériences communes, de sorte qu'ils ont un caractère qui pourrait être appelé
« universel ». Étant donné que la maladie conduit à un abandon de
conditionnement culturel, cette dernière dimension de la signification prend la
prévalence. Le «GdL» a mis au point un système complexe de théories qui offrent
des lectures possibles à ce que nous observons. Les stéréotypes les plus
curieux font objet de recherche.
Avec
les pratiques de la « MusiqueArThérapie », qui est la dimension
opérationnelle du GdL, nous pouvons réaliser des activités qui permettent de
s'exprimer, aussi pour la personne la plus altérée à tous points de vue. MusicArTerapia
signifie que:
« Ce professionnalisme se
développe à travers l'unité des arts, spécificité du GdL centrée sur la
synesthésie qui assume tous les Potentiels Expressifs et Communicatifs Humains
au niveau global dont les arts résulteront une spécification qui présuppose et
active cette globalité. Et ceci en garantit dans chaque action professionnelle
la place centrale de l'humain sujet, dans un Projet Personne qui ne le rend pas
déjà objet du soin mais un sujet actif. » (S. Guerra
Lisi)
Son,
musique, couleur, goût, matière, danse, geste... combien sont les canaux de
communication pour se rencontrer ?
Pour
être satisfait il ne suffit pas d’être respecté, mais il faut percevoir ceci.
En d’autres mots, c’est vraiment cette multiplicité de langages que nous avons
examinés ; pour comprendre la personne, il faut lui laisser un message et le reflect
positif du milieu.
Pour
cela, dans le plan d'activité pour la stimulation multisensorielle et
cognitive, on doit aussi prévoir comment restituer quelque chose à la personne.
Parfois
il suffit d’une chanson familière dans laquelle la personne se reconnaît ou
changer le menu du petit déjeuner.
Ce
jeu subtil se déroule entre les attentes, nuances, souffles, clins d'oeil, etc.
Le
parcours aura du succès si nous sommes passés par la compréhension pour arriver
à la « complaisance »: éprouver du plaisir ensemble. Trouver autour
la valorisation de tout ce qu’elle a exprimé et le plaisir de le partager.
Le
partage et l'examen de l'expérience avec la formation nous permettent de
procéder dans cet art de l'observation et de la planification. Ces dernières
années, nous avons introduit le concept de «GdL » dans le plan formatif de
l'oeuvre avec des rencontres annuelles et nous avons fait en sorte que quelques
opérateurs pussent fréquenter l'école triennale de MusicArTerapia. Le siège florentin de l'école est logé dans un
établissement de la Diaconia Valdese (l'Institut Ferretti).
Si
nous réfléchissons à tout ce que je dis nous nous rendons compte que le
parcours ne se limite pas à la personne. Apprendre ce que nous ne savions pas
d'elle produit une mutation du contexte. C'est une transformation continue de
qui prend soin d'eux. La vérification est faite avec soin, mais si nous avons
bien travaillé rien ne sera comme avant : les attentes vers la personne, les
opportunités, le reflect positif, des nouvelles intuitions en chacun de nous.
Nous
pourrions inverser les termes : « Participation du secteur
social-sanitaire dans l'action du sujet ? »